mardi 4 octobre 2016

Erevan : parmi mes surprises arméniennes, l'iranienne #AraratMonAmour


Lorsque l’écrivain-voyageur Colin Thubron écrit ce qui suit, il ne croit pas si bien dire : "Cent raisons réclament le départ. On part pour entrer en contact avec d'autres identités humaines, pour remplir une carte vide. On a la sensation que c'est le cœur du monde. On part pour rencontrer les multiples formes de la foi. On part parce qu'on est encore jeune et que l'on souhaite ardemment être imprégné de l'excitation, entendre le craquement des bottes dans la poussière. On y va parce qu'on est vieux et que l'on ressent le besoin de comprendre quelque chose avant qu'il ne soit trop tard. On part pour voir ce qui va arriver."

Bien des choses me sont arrivées en Arménie.

En Arménie, j’ai compris que ceux de là-bas sont bien différents de ceux d’ici en diaspora. Ils n’ont pas de temps pour les lamentations ou la morbidité. Il leur a fallu se battre pour préserver leurs ultimes forteresses. Il leur faut se battre encore et toujours, aussi bien face aux Turcs-azéris qu’au pseudo-protecteur russe. Mais aussi relever continuellement les murs qui s’effondrent à chaque violente secousse. Sans oublier de trouver les moyens de se frayer un chemin dans la course au développement. Leur courage et énergie sont bien plus tournés vers  la recherche de solutions concrètes que vers le ressassement stérile. J’ai adoré effectuer ce constat.

J’ai arpenté les sentiers d’un pays merveilleux, depuis ses cimes jusqu’aux gorges les plus anciennes, plongé aux sources de ses mythes et de sa foi, connu bien des émerveillements auxquels, franchement, je ne m’y attendais pas. Pour tout dire j’ai découvert un oasis fabuleux, en même temps que je découvrais que je n’étais pas le seul à faire cette découverte.

Car apprenez que le meilleur endroit pour échanger avec des Iranien(ne)s ne se trouve pas en Iran mais en Arménie...

Ce soir-là, je rentre de randonnée à mon hôtel d’Erevan. Je me dirige vers l’accueil afin de récupérer mes clefs. Devant moi, un groupe fait de même. J'attends. Au sein de celui-ci, je remarque une très jolie jeune femme, de type oriental mais assez indéterminé. Une plastique superbe moulée dans un jean serré. Un maquillage certes un peu marqué ma non troppo. De beaux cheveux longs visiblement teintés au henné. Nos yeux finissent par se croiser. Elle détourne le regard puis le retourne de nouveau quelques instants plus tard dans ma direction. Je lui souris. Elle m’offre le sien avant de s’en retourner à la conversation entre la chargée de l’accueil et son groupe. Mon regard est alors attiré par un très beau plan d’Erevan situé à ma droite. Je l’examine. Quelques secondes passent avant qu’une voix dans un anglais d’assez bonne qualité ne s’adresse à moi. Celle de la jeune femme en question.

«Excusez-moi Monsieur. Puis-je vous importuner quelques instants. Je souhaiterais savoir d’où vous venez ». Passée la surprise, je lui réponds. Je remarque que le mot Paris produit toujours le même effet stupéfiant à l’étranger. Je lui demande à mon tour d’où elle vient. Elle me répond avec une pointe de gêne qu’elle est originaire d’Iran. J'efface cette gêne en lui disant « quel pays magnifique ; j’aimerais tant pouvoir le visiter un jour ». Elle semble stupéfaite. Je lui demande d’où plus précisément. Elle m’indique « Shiraz ». Mon visage marque l’émerveillement, chose qu’elle remarque dans un mélange de plaisir et d’étonnement. Je lui dis « Ah ! Shiraz ! Le site de Persépolis ! Les jardins d’Eram ! ». Ses yeux s’écarquillent. Je marque une légère pause. D’instinct j’hésite avant de prononcer le nom qui suit, mais finalement, justement, je suis curieux de voir sa réaction. « Les vitraux de la sublime mosquée de Nasir-ol-Molk ». Au mot mosquée, les traits de son visage se figent. Je comprends instantanément qu’elle est tout sauf là pour entendre parler de religion, pour rentrer d’une façon ou d’une autre dans la geôle théocratique d’où elle sort pour quelques jours. Je change vite de sujet. Elle veut parler, sentir l’air frais d’ailleurs. Son groupe semble avoir réglé tous ses soucis avec la réception. Elle doit partir mais me demande combien de temps je reste à Erevan. J’accompagne ma réponse de la même question. Elle me répond, le visage marquant un peu de tristesse, « deux jours ». Je lui dis « à plus tard ». Cette magnifique jeune femme, aux mœurs si délicates, a terriblement envie de parler…

Après cette rencontre, je remarquerai d’autres Iraniennes « à l’envie de parler », parfois même en français. Je remarquerai tous ces cars déversant à Erevan des cohortes entières d’Iraniens venus là pour quelques jours de Liberté. On m’expliquera le rituel du dévoilement à la frontière jusqu’à la fin de leur permission. J’observerai également  ces groupes de jeunes Iraniens, dans l’hôtel ou dans les rues d’Erevan, avec leurs looks un tantinet pédé (ne le dites pas à Ahmadinejad) de Justin Bieber super-maniérés, venus boire et baiser au point de se faire remarquer  dans les couloirs de l’hôtel. Comme quoi, les torrents de la vie trouvent toujours leurs chemins, en attendant de ruiner les barrages idéologiques qui ne servent à rien, et c’est très bien ainsi.

« Excusez-moi Monsieur. Puis-je vous importuner quelques instants ? Je souhaiterais savoir d’où vous venez ». Quelle merveilleuse surprise, en effet, dans le merveilleux oasis arménien…
 

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